Joseph Vacher, le premier tueur en série

Publié il y a 2 ans
Un homme est interpelé, interrogé et soupçonné du meurtre de plus d’une dizaine de personnes. Deux ans plus tôt, un jeune paysan a été assassiné, des passants ont été témoins de la scène et ont pu identifier une caractéristique physique notable du meurtrier : il aurait une cicatrice sur son oeil droit. L’homme qui est assis et menotté devant le juge Émile Fourquet arbore sur son visage cette même cicatrice. Le problème pour Fourquet est le manque de preuves formelles. À part cette description visuelle des quelques badauds présents par hasard, rien ne lie véritablement notre homme aux autres victimes recensées au court des derniers mois par notre juge. Pourtant, tout indique que c’est incontestablement lui le responsable de toute cette cruauté. Mais l’homme reste muet pendant son interrogatoire. Il ne dit rien. Il ne sait rien. Il n’a rien fait. Il est innocent. Pas le choix, il va falloir ruser pour lui faire admettre sa culpabilité, sinon, il sera remis en liberté et cela est inconcevable.
Émile Fourquet a une idée, un éclair de génie. C’est absurde mais cela peut fonctionner. Le détective se pose devant lui en ami, en confident et lui avoue sa fascination pour la vie de chemineau. Aucune mention des crimes, de l’horreur et des meurtres. Une conversation s’installe alors avec le suspect autour de cette passion anodine. En effet, c’est une vie que l’homme connait bien. C’est un marginal, un vagabond, il a passé une grande partie de sa vie dans l’errance. Pendant de longues minutes, il finit par avouer à notre détective les quelques coins et recoins, lieux, chemins et voisinages dans lesquels il a pu se rendre ces dernières années. Sans s’en rendre compte, son discours est tout ce qu’il fallait pour que notre homme à la cicatrice se condamne lui-même. Le trajet ainsi formulé et relaté retrace parfaitement et chronologiquement l’intégralité des crimes qui lui sont rattachés et reprochés.
Cette histoire ne se déroule pas aux États-Unis face à un tueur en série notoire qui aurait pu défrayer la chronique pendant les années 80. Cette histoire s’est bien déroulée en France à la fin du 19° siècle. Les rumeurs venant d’Angleterre d’un Jack l’Éventreur faisant régner la peur dans les rues de Londres sept ans auparavant étaient encore présentes dans l’esprit collectif lorsque notre homme, Joseph Vacher fut arrêté et appréhendé par le juge Émile Fourquet. Mais revenons un peu en arrière pour s’intéresser à la vie de l’homme qui fut reconnu comme le premier tueur en série français.

« Vacher sergent au 60e de Ligne ». Gravure d'après photo, signée Lionel, parue dans Le Tueur de bergers 1898
Joseph Vacher est né le 16 novembre 1869 dans une famille d’agriculteurs. C’est une famille nombreuse, Joseph est élevé entouré de quinze frères et soeurs dans une ferme d’un petit village d’Isère. Son enfance est perturbée, les témoins de ses premières années le décrivent déjà comme un être violent et asocial. Il a un frère jumeau du nom d’Eugène. À peine âgé de huit mois, il meurt sous ses yeux, étouffé par une mie de pain. À cinq ans, il est mordu par un chien enragé, une rencontre qui le traumatisera toute sa vie. Sa mère décède le 12 mai 1882. C’était une femme très croyante, dévote, mais régulièrement en proie à des hallucinations qui ont sûrement laissé des traces dans la psychologie de son fils. Et c’est deux ans plus tard que Joseph Vacher va commettre son premier crime, un jeune écolier à peine âgé de neuf ans meurt étranglé de ses mains.

Fiche matricule de Joseph VACHER datant de 1889
Après un passage de deux ans infructueux chez les Frères mariste, une congrégation laïque, il est hébergé à Grenoble en 1888 par sa soeur, Olympe, une prostituée surnommée par ses clients Kilomètre. C’est pendant cette période, et à cause de ses fréquentations assidues des maisons closes, qu’il contracte une maladie vénérienne lui causant l’ablation d’une testicule. Cette même année, on lui impute trois autres meurtres : Marcellin Bourde un jeune valet de ferme, une jeune fille de 14 ans du nom de Clémence Grangeon, et une inconnue âgée de 35 ans retrouvée la tête sectionnée dissimulée dans un fourré. À l’époque, personne ne rattache ses différents meurtres au fils Vacher, mais ce ne sont que les premières victimes d’une longue série ininterrompue.
À l’automne 1889, il s’installe un temps à Lyon comme garçon de peine dans un entreprise de papeterie. Durant cette période, au contact d’un milieu ouvrier, il se familiarise avec les idées de l’Anarchie.
Le 16 novembre 1890, à l’âge de 21 ans, son service militaire le fait incorporer dans le 60° régiment d’infanterie de Besançon comme soldat de deuxième classe. Il vit cette période comme un enfermement derrière les murailles de pierres de la ville. Son officier n’a pas le choix que d’intervenir de nombreuses fois pour lui éviter les brimades de ses camarades. Il est isolé, seul, sujet à des idées noires. Il est considéré comme violent, malheureux, timide, insolent, et hypocondriaque par ses pairs et ses supérieurs. Mais il postule tout de même à la formation de sous-officier. Classé 24ème, sa tentative est un succès. Malheureusement pour lui, l’intervention d’un supérieur l’écarte de la promotion car il est jugé inapte psychologiquement. Se rendant compte de ce qu’il juge comme une nouvelle humiliation, Vacher se saoule, menace ses camarades et tente de se trancher la gorge avec un rasoir. Il est maîtrisé avant d’accomplir son geste et fini par être affecté dans une autre compagnie. Son passif n’étant pas connu là-bas, il réussit à être nommé sergent le 21 décembre 1892.
C’est toujours à Besançon que Joseph fait la rencontre d’une femme, Louise Barrand, serveuse d’un restaurant des beauforts de la ville. Il en tombe éperdument amoureux. Et malheureusement pour la jeune femme, il finit par voir en elle sa future compagne. Invité à Baume-les-Dames, dans la maison des parents de Louise, Il lui fait là-bas sa demande en mariage. Mais alors amoureuse d’un autre soldat, elle refuse de lui accorder sa main. Face à ce rejet, et dans la continuité de son délire de persécution, Vacher sort une arme à feu de sa sacoche et tire par trois fois sur la jeune femme avant de retourner l’arme contre lui. La victime survivra, tout comme Vacher. La balle ayant pénétré par son oreille droite, elle provoque chez lui la surdité totale de ce côté, entraînant une paralysie du nerf facial, lui laissant un œil injecté de sang devenu plus grand que l'autre. Il est définitivement réformé de l’armée suite à cet évènement et placé le 7 juillet 1893 à l’asile de Saint-Yline, près de Dôle. Il y est décrit comme atteint d’aliénation mentale, et par ce fait, irresponsable de ses actes.

Photographie de Louise Barrand
C’est après quelques vaines tentatives d’évasion et un transfert dans un autre asile de la région que le directeur de l’établissement, un certain Docteur Dufour, fini par voir en Vacher un homme guéri et près à réintégrer la société civile. Il est libéré le 1er avril 1894 avec un certificat de complète guérison. Libre de ses mouvements, c’est à 25 ans que débute sa vie d’errance. Il passe près de Saint-Genis-Laval, la ville l’ayant accueilli un temps durant sa jeunesse pendant son éducation religieuse. Puis il se dirige vers Grenoble où il commettra le premier meurtre qu’il osera avouer. Et en l’espace de trois ans, il commettra au moins onze autres assassinats sans qu’il ne soit arrêté. Et pour cause, profitant de sa formation militaire, il était capable d’effectuer près de 60 km à pied par jour. À cet époque, les services de police régional ne communiquaient pas entre eux. Il suffisait de se livrer à un délit dans une région et de s’en aller dans une autre pour ne plus être inquiété par la justice et la loi ; le contexte idéal pour le tueur vagabond qu’était devenu Vacher.

Assassinat de Marie Mussier
Il est cependant arrêté et enfermé le 4 août 1897 lors d’une tentative d’assassinat sur la commune de Champis, en Ardèche. Il est transféré à la prison de Belley où un juge d’instruction du nom d’Émile Fourquet est alors à la recherche de l’auteur d’un assassinat commis deux ans auparavant. Avant même l’arrestation de Vacher et les multiples tentatives d’interrogatoire, le juge réussit à mettre en place plusieurs techniques afin de réunir un dossier regroupant et mettant en corrélation plusieurs assassinats similaires survenus en France ces dernières années. Cela lui permit de comprendre qu’une seule et même personne était responsable de toute cette cruauté. Et la description du suspect qui en ressort correspond trait pour trait à celle de Joseph Vacher. Depuis, Émile Fourquet est connu et reconnu comme étant le premier profileur de l’histoire. Le 10 octobre 1897, Joseph Vacher finit par reconnaître huit de ces meurtres. Il est finalement guillotiné le 31 décembre 1898 à Bourg-en-Bresse.

Une du Supplément illustré du Petit Journal, 15 janvier 1899. une du " Petit Parisien ", le 24 octobre 1897

Portrait du juge d'instruction Émile Fourquet

Lettre autographe de Joseph Vacher
Au vu de ce récit, et de son brève passage à Besançon, il est presque indéniable que le tueur vagabond qu’était Joseph Vacher a sa place dans un scénario des Suivants de la Vouivre. Ces dernières années, grâce aux films et aux séries télévisés, la figure du tueur en série est presque devenu une forme mystique dans l’imaginaire populaire. Bien entendu, ce récit sera retravaillé pour coller à une histoire fantastique et horrifique se déroulant presque exclusivement à l’intérieur des murs de la ville. Mais il est évident que des joueurs, guidés par les mots et les récits d’un Maître du Jeu, seront amenés à enquêter tôt ou tard sur les différents meurtres du sanguinaire Joseph Vacher.
Source :
Page Wikipédia de Joseph Vacher
Sur les traces et l’histoire de Joseph VACHER
Itinéraire de Vacher, le premier tueur en série français
Etude psycho-physiologique, médico-légale et anatomique sur Vacher
Lettre autographe signée « Joseph Vacher » au docteur Lacassagne
Vacher l'Éventreur de Pierre Bouchardon, ALBIN MICHEL, 1939
Page Wikipédia de Joseph Vacher
Sur les traces et l’histoire de Joseph VACHER
Itinéraire de Vacher, le premier tueur en série français
Etude psycho-physiologique, médico-légale et anatomique sur Vacher
Lettre autographe signée « Joseph Vacher » au docteur Lacassagne
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